Nous parlions il y a peu de l’acquisition de Sodatone par WMG. Il se trouve qu’une entreprise positionnée sensiblement sur la même frange de marché que cette dernière (la détection des talents de demain grâce aux données et à l’intelligence artificielle) vient de réussir une levée de fond de 4 millions de dollars : Ladies & Gentlemen please meet, Instrumental.

Instrumental est une entreprise qui a été fondée par Conrad Whitey, ancien président de Warner Music Entertainment. Le postulat derrière la création de cette entreprise est on ne peut plus simple et semble effectivement prometteur : chaque jour 20 000 nouvelles chansons sont ajoutées aux 8000 playlists Spotify identifiées comme étant les plus suivies (10 000 abonnés et plus). Ces playlists mettent en avant le travail de plus de 400 000 artistes dont on estime que presque la moitié (180 000) sont indépendants.

A la vue de ces chiffres vertigineux, il est clair qu’aucune équipe de A&R dans le monde n’est en mesure d’écouter l’ensemble de ces morceaux et de prêter une oreille attentive à tous les artistes responsables de ces créations. Dès lors un outil qui permettrait de faire le tri, de détecter les signaux les plus prometteurs pour les faire remonter en amont à la surface pourrait être d’une très grande utilité.

L’idée serait donc de s’appuyer sur le pouvoir de l’intelligence artificielle pour faire ressortir les artistes et les morceaux les plus pertinents au regard d’un ensemble de données précédemment déterminées. La sensibilité humaine et l’appréciation artistique arriverait dans un second temps, le directeur artistique serait donc la personne chargée de sélectionner l’élu parmi les quelques artistes qui auraient passé avec brio le test de HAL 9000. Il s’agirait donc a priori d’un gain de temps et d’énergie pour les labels et éditeurs mais également d’une nécessité pour qui souhaiterait ne pas perdre le rythme dans une industrie en accélération constante…

Peut-être cette nécessité de recourir à des instruments de plus en plus pointus, rapide et précis est-elle symptomatique d’une autre tendance qui se dessine dans l’industrie du disque. La nécessité de pouvoir repérer les signaux faibles est d’autant plus importante qu’au cours des dernières années certaines majors ont connu ce qui pourrait passer pour des « déconvenues » dans leurs recherches de nouveaux talents.

Etant donné le nombre d’artistes et de projets qui voient le jour chaque année, il est facile d’imaginer que ceux qui sortent du lot pour atterrir sur le radar des maisons de disque ont déjà su construire une audience suffisamment importante pour attirer l’attention d’acteurs nationaux voire internationaux. Seulement voilà, ces artistes, qui ont fait le travail d’apprendre à se faire connaître et à structurer leurs activités, ne sont pas nécessairement intéressés par des contrats d’artistes ou d’édition. Il semblerait qu’ils soient de plus en plus nombreux, lorsqu’ils atteignent un certain degré de notoriété, à simplement vouloir s’appuyer sur l’infrastructure des acteurs existants pour développer leurs activités en échange d’une contrepartie moindre (contrats de licence plutôt que contrats d’artiste).

Dès lors on imagine sans peine pourquoi être capable de repérer de plus en plus tôt les artistes devient une nécessité pour les labels, les majors et les éditeurs. L’émergence de ces outils aura peut-être en fin de compte le mérite de permettre aux acteurs du marché de retrouver leurs fonctions de découvreurs et développeurs de talents.